Depuis le 1er mai 2019, le paysage entrepreneurial belge a connu une révolution silencieuse : il est désormais possible de créer une SRL avec seulement 1 euro de capital. Cette suppression du capital minimum de 18.550 euros a suscité autant d'espoirs que d'interrogations chez les entrepreneurs. Si théoriquement vous pouvez lancer votre société sans capital conséquent, la réalité s'avère plus nuancée avec des coûts incompressibles variant entre 1.700 et 2.700 euros HTVA. Maître Innocent TWAGIRAMUNGU, avocat expérimenté à Bruxelles, accompagne depuis près de 20 ans les entrepreneurs dans ces démarches complexes où les nouvelles libertés s'accompagnent de responsabilités accrues.
Le Code des Sociétés et des Associations a profondément transformé le régime des sociétés en Belgique. La SPRL est devenue SRL, abandonnant au passage l'obligation d'apport minimal qui constituait souvent un frein pour de nombreux porteurs de projets. Cette évolution ne concerne pas uniquement les SRL : les sociétés coopératives bénéficient également de cette souplesse. En revanche, les SA restent soumises à un capital minimum de 61.500 euros, entièrement libéré à la constitution. Par comparaison, l'entreprise individuelle et la microentreprise permettent de créer sans aucun capital social ni apport minimum, offrant ainsi une alternative encore plus accessible aux entrepreneurs débutants.
Cette liberté nouvelle s'accompagne toutefois d'une contrepartie majeure : l'obligation de fournir un plan financier détaillé. Ce document, véritable pierre angulaire de votre constitution de société, doit contenir sept éléments essentiels : une description précise de votre activité, l'identification de vos sources de financement, un bilan d'ouverture ainsi que des bilans prévisionnels à 12 et 24 mois (établis conformément au micro-schéma des comptes annuels prévu à l'article 3:3 du CSA), un budget détaillé sur deux ans, des hypothèses réalistes de rentabilité et, le cas échéant, le nom de l'expert externe qui vous a accompagné. La Commission des Normes Comptables a d'ailleurs établi des modèles spécifiques pour faciliter cette tâche complexe.
Le notaire conservera précieusement ce plan financier qui pourra être transmis au tribunal en cas de difficultés ultérieures. Cette exigence vise à responsabiliser les entrepreneurs et à s'assurer que même une société sans capital important dispose d'un patrimoine initial suffisant pour exercer son activité pendant au moins deux ans.
À noter : Si vous hésitez sur la forme juridique adaptée à votre projet, sachez que contrairement à la SRL créée avec 1 euro, la SA exige toujours un capital de 61.500€ entièrement libéré. Pour les projets modestes, l'entreprise individuelle ou la microentreprise restent des options viables sans aucune exigence de capital.
La suppression du capital minimum ne signifie pas la disparition des risques. Au contraire, les fondateurs endossent une responsabilité solidaire pendant trois ans si le patrimoine initial s'avère "manifestement insuffisant" pour assurer l'exercice normal de l'activité pendant deux ans. Cette notion, appréciée selon le critère de "l'actionnaire raisonnablement prudent et diligent", peut engager votre responsabilité personnelle à hauteur de 125.000 euros minimum pour les petites sociétés. Toutefois, les fondateurs peuvent échapper à cette responsabilité en prouvant que la faillite est due à des circonstances imprévisibles postérieures à la constitution, le tribunal procédant alors à une analyse marginale de la situation.
Il est crucial de distinguer les "fondateurs" - ceux détenant au minimum un tiers des actions - des simples souscripteurs. Seuls les premiers sont exposés à cette responsabilité étendue. Imaginez par exemple que vous créez une société de conseil avec 1 euro de capital, sans prévoir de trésorerie suffisante pour les charges courantes. Si votre société fait faillite dans les trois ans, le tribunal examinera votre plan financier et pourra vous tenir personnellement responsable des dettes si votre prévision était irréaliste.
Les nouvelles règles imposent également le respect de tests de distribution stricts avant tout versement de dividendes. Le test de solvabilité vérifie que l'actif net reste positif après distribution (l'actif net se calcule en déduisant du total de l'actif les provisions, les dettes et les frais d'établissement non amortis), tandis que le test de liquidité s'assure que votre société pourra honorer ses dettes pendant les 12 mois suivants. Ces mécanismes protègent les créanciers face aux sociétés créées avec un capital symbolique. Si votre société a désigné un commissaire, celui-ci devra obligatoirement vérifier le respect de ces tests.
Les administrateurs qui violent ces règles s'exposent à des sanctions lourdes : remboursement obligatoire des distributions irrégulières, même effectuées de bonne foi, et responsabilité solidaire pour les préjudices causés. Un entrepreneur ayant créé sa société sans capital conséquent doit donc redoubler de vigilance dans sa gestion quotidienne. Plus spécifiquement, les fondateurs sont automatiquement responsables pour les engagements pris au nom de la société si le nom des mandants n'était pas mentionné, et assument une responsabilité solidaire pour toutes les irrégularités affectant la constitution.
Exemple pratique : Marc et Sophie créent ensemble une SRL de services informatiques avec 1€ de capital. Marc détient 40% des parts, Sophie 35%, et un investisseur externe 25%. Seuls Marc et Sophie sont considérés comme "fondateurs" (plus d'un tiers des actions chacun). Ils signent un contrat de location de bureaux de 2.000€/mois sans avoir prévu cette charge dans leur plan financier. Si la société fait faillite dans les 3 ans suivants avec 150.000€ de dettes, Marc et Sophie peuvent être tenus solidairement responsables de cette somme sur leur patrimoine personnel, tandis que l'investisseur externe n'est exposé qu'à la perte de son investissement initial.
L'absence d'apport personnel ne condamne pas votre projet. Les apports en nature constituent une première alternative : machines, véhicules, brevets ou savoir-faire peuvent constituer le patrimoine initial de votre société. Les biens immatériels comme brevets, clientèle et savoir-faire peuvent également faire l'objet d'apports sous réserve d'évaluation professionnelle, machines, véhicules et locaux constituant les apports les plus fréquents. Attention toutefois, ces apports nécessitent l'intervention obligatoire d'un réviseur d'entreprises pour leur évaluation (le réviseur doit établir un rapport détaillé décrivant chaque bien et son mode d'évaluation, avec intervention obligatoire du notaire), générant des coûts supplémentaires représentant un surcoût significatif à prévoir dans le budget.
Les apports en industrie, bien que légalement possibles, présentent un piège fiscal majeur : ils vous privent du régime VVPR-BIS permettant de bénéficier d'un taux réduit sur les dividendes (20% à partir du deuxième exercice et 15% à partir du troisième au lieu de 30%). Cette exclusion peut représenter un surcoût significatif à long terme. Notez que ce régime fiscal avantageux est réservé aux petites sociétés respectant trois critères : maximum 50 travailleurs, chiffre d'affaires sous 9.000.000€ et total bilantaire sous 4.500.000€, avec des actions nominatives entièrement libérées.
Le paysage belge du financement alternatif s'est considérablement enrichi. Le crowdfunding via des plateformes comme Lita ou MiiMOSA permet de valider votre concept tout en créant une communauté d'ambassadeurs. Le tax shelter pour entreprises débutantes offre une réduction d'impôt atteignant 45% aux investisseurs qui financent votre société, rendant votre projet plus attractif. Les plateformes agréées Spreds (pour souscription d'actions) et BeeBonds (pour obligations) facilitent particulièrement l'accès à ce dispositif fiscal.
Les organismes de micro-crédit constituent une bouée de sauvetage pour les entrepreneurs sans apport :
N'oubliez pas la "love money" - le financement par vos proches - qui, au-delà de l'aspect financier, démontre aux banques la confiance de votre entourage. Les business angels apportent quant à eux bien plus que des capitaux : leur expérience et leur réseau peuvent s'avérer déterminants pour une société sans capital initial important.
Conseil pratique : Les banques exigent généralement un apport personnel de 30% minimum pour accorder un crédit professionnel. Elles analysent également votre score de crédit personnel ainsi que votre historique bancaire. Avant de solliciter un prêt, assurez-vous d'avoir un dossier irréprochable : pas de découverts récurrents, pas de fichage à la Centrale des Crédits aux Particuliers, et idéalement une épargne régulière démontrant votre capacité de gestion.
Même en créant votre société avec 1 euro de capital, certains frais restent inévitables. Les frais notariaux obligatoires représentent la part la plus importante, suivis de l'inscription à la Banque-Carrefour des Entreprises (105,50 euros) et de l'activation de votre numéro de TVA (70 à 80 euros). Le processus complet prend généralement 3 à 5 semaines.
Au-delà de ces coûts administratifs, prévoyez un budget global de 9.000 à 10.000 euros incluant votre besoin en fonds de roulement initial. Cette somme, bien que modeste comparée aux anciens 18.550 euros obligatoires, reste nécessaire pour démarrer sereinement votre activité et éviter les écueils juridiques liés au patrimoine initial insuffisant.
Le cabinet de Maître Innocent TWAGIRAMUNGU accompagne régulièrement des entrepreneurs bruxellois dans la création de leur société, qu'ils disposent ou non d'un capital conséquent. Fort de son expertise depuis 2005 en droit des sociétés et constitution de SRL et en compliance, Maître TWAGIRAMUNGU vous guide dans l'élaboration de votre plan financier, la structuration optimale de vos apports et la prévention des risques juridiques. Si vous envisagez de créer votre entreprise à Bruxelles ou en Belgique, n'hésitez pas à solliciter ses conseils pour sécuriser votre projet entrepreneurial dès ses fondements.